Un rapport confidentiel
Le rapport Franceschini sur le financement de la production et de la diffusion d’œuvres photographiques, commandé en 2021 par le ministère de la culture a été rendu public à la demande de nombreux intervenants sollicités par la rapporteuse Laurence Franceschini. En mars 2022, l'ADAGP, les Agents Associés, le CLAP, le réseau Diagonal, Les Filles de la photo, France PhotoBook, la Saif et l'UPP publient une lettre ouverte sollicitant la publication du rapport Franceschini. Reprise par la presse de Libération à Photographie.com, le ministère finit par céder et publie le rapport Franceschini au printemps 2022. Pourtant, le rapport déçoit. Dans une interview Matthieu Baudeau, Président de l'Union des photographes professionnels, observe la trop grande légèreté des propositions de ce rapport pour les photographes. « C’est un galop d’essai, estime t-il, car le rapport ne s'adresse qu'à une minorité de photographes. »
Rapport sur un rapport qui n'était pas destiné à être publié.
Il semble que le rapport Franceschini n'ait pas été initialement pas destiné à être diffusé. Il devait rester un document interne, tout comme celui de Bruno Racine. Contraint à le diffuser à la suite « de rapports agressifs qui auraient tendu les relations avec certains intervenants, le ministère de la culture a été placé dans un rapport de communication injuste ». Pourtant les intervenants n'avaient pas été informés lors des premières consultations avec le ministère, de cette future confidentialité.
Mauvaise communication & Statistiques erronées
Les problèmes d’information semblent récurrents au sein du ministère qui est également celui de la communication. Car le rapport s’appuie sur des statistiques erronées : le code NAF attribué aux artistes-auteurs a été arbitrairement modifié par l’INSEE créant une jurisprudence préjudiciable aux artistes-auteurs. Ceux-ci deviennent de fait, redevables de la taxe CFE, et ne bénéficient plus des aides sociales, à moins de fournir de nombreuses justifications.
La presse en péril ne peut rémunérer les photographes
La faiblesse des propositions, « c’est un malentendu pour le ministère : le rapport Franceschini ne propose pas une politique culturelle. Il faudra voir avec ceux d’après [les élections] pour la mise en place des mesures ». Le rapport ne propose rien de contraignant sur le recours abusif à la mention DR (acronyme pour droits réservés, une pratique de la presse pour ne pas rémunérer les photographes en invoquant un auteur inconnu ou plutôt non contacté). Or, la DGMIC qui finance la presse, dispose des moyens de faire pression sur les titres de presse qui ne respectent pas le droit d’auteur. « Le secteur de la presse étant très fragile, il est plus important de l'aider que de le sanctionner. Comment obliger une presse moribonde à dépenser de l'argent quand elle ne peut pas le faire ? » Le problème de droit concernant la charge de la preuve de l’originalité de l'œuvre* ne tracasse pas davantage le ministère. « C’est une posture juridique légitime qu’il sera très difficile de faire bouger ».
répondre au lobbying, c'est mieux que rien
Le reproche fait au rapport de ne s'intéresser qu'à un faible pourcentage des vingt-cinq mille photographes en France ou aux agences de photos est évacué. « C’est qu’ils se font bien entendre ! Les autres ne sont pas vraiment dans notre périmètre ». Le ciblage des propositions vers les quelques-uns ayant l’attention du ministère, « c’est mieux que rien ».
Il semble qu’il ait été demandé à Laurence Franceschini de n'examiner ce qui était important pour le département. Pour les problèmes qui concernent vraiment les photographes c’est aux représentants des photographes de les traiter. « Le ministère ne prendra pas de mesures à ce sujet parce que nous avons tellement de questions plus importantes à traiter ». Destiné à quelques happy few, ce rapport était bien destiné à être confidentiel.
François-Marie d'Andrimont
* En Allemagne les photographes ne subissent pourtant pas une telle contrainte sur le droit des auteurs qui est issus des idées des français Beaumarchais, Lamartine ou Victor Hugo. Un photographe en Allemagne n'a pas à justifier de l'originalité de sa création pour se défendre auprès auprès du tribunal lors d'une utilisation indélicate par un tiers.